Lhosar à Boudhanath - 23 février 2004

Publié le par Christine Régnier

3ème jour de Lhosar, Nouvel An tibétain…

Rendez-vous à 7h30 pour nous rendre à Boudhanath, où, paraît-il, la fête est splendide…

Nous sommes arrivées avec la douce lumière du soleil, tamisée par une petite brume d’où émerge comme par enchantement le Grand Stupa… Image onirique digne de Tim Burton… La place circulaire est calme, les pigeons, blottis sur le dôme blanc, attendent par centaines les pèlerins, seuls quelques acrobates ont déjà commencé à accrocher les nouveaux « chevaux de vent », les drapeaux de prières tibétains.

Accoudées à une terrasse au 3ème étage, à hauteur idéale pour une vue d’ensemble, nous observons l’éveil lent de l’atmosphère. Petit à petit, les premiers moines et pèlerins commencent les circombulations, auxquels s’ajoutent rapidement de nombreux Tibétains en costumes traditionnels. Notre attention est captivée, hypnotisée par les couleurs, les sons des trompes, le parfum des encens et des genévriers dont la fumée s’élève en prière, et cette lumière irréelle qui enveloppe la place d’une ambiance magique. Démons ou dieux apparaîtraient sous nos yeux que nous en serions à peine étonnées ! Le défilé enfle en même temps que la rumeur des prières et des conques, et c’est un chatoiement de fils d’or, de tissus scintillants, de couleurs qui rivalisent de vivacité, de riches fourrures qui bordent les chubas, de nattes tressées de fils rouges, de parures de corail et de turquoise, où le pourpre des robes des moines domine, nous rappelant la place de la religion dans cette fête. Tous les clans régionaux tibétains sont présents dans les variantes des costumes. Les hommes sont magnifiques (les femmes aussi bien sûr) et je suis fascinée par cette beauté ancestrale et intacte qui développe ses rubans humains à nos pieds. Ils ont tous des allures de sauvages cavaliers des hauts plateaux himalayens… Le temps n’existe plus… Je m’imprègne…

La procession apparaît, longue rayure de moines pourpres soutenant une grande ombrelle d’or et de jaune sous laquelle la photo du Dalaï Lama appelle au recueillement. La dévotion monte jusqu’à nous et nous parcourt de frissons. Nous sommes toutes deux extasiées à l’unisson… Une foule immense et calme suit la sainte image, des nuées de poudre sacrée volent ci et là, offrandes rituelles lancées vers le ciel, des chants traditionnels tibétains nous parviennent et me ramènent au Mustang… La lumière du matin éclaire doucement cette féerie.

Nous restons là trois heures durant, sans nous ennuyer de ce spectacle unique qui tourne dans le sens horaire, inlassablement. Les pèlerins montent sur les terrasses du Stupa, les familles posent pour les photos souvenir, les enfants ceinturés dans leurs costumes traditionnels resplendissants, plus ou moins disciplinés, ajoutent une touche attendrissante à ce tableau vivant. De tous jeunes couples aux tenues somptueuses nous ébahissent par leur beauté… Un moine portant sa grande coiffe rouge vif prie assis sur le sol, son disciple à ses côtés. De multiples scénettes se déroulent sous nos yeux.

Soudain, trois jeunes moine arrivent en courant, montent quatre à quatre les marches du stupa, une grande corne tibétaine sur l'épaule... Ils courent l'un derrière l'autre, faisant virevolter leur robe colorée, dans un mouvement qui soudain me projette dans "Tintin au Tibet". Je vois une planche de BD vivante, et les photos que j'en fais accentuent a posteriori cet effet comique. Je ne peux m'empêcher de rire de ces images légères qui tranchent sur l'atmosphère sacrée.

Ce sont les chants tibétains familiers à notre oreille qui nous tirent de notre fascination et nous redescendons au cœur de la foule pour nous approcher des danses. Nous trouvons sans peine le cercle de danseurs dans leurs habits de fête, guidées par les sons rugueux qui rappellent les chants amérindiens. Sans distinction ethnique, des passants se sont assemblés, les femmes formant une moitié du cercle, les hommes l’autre moitié, et ils dansent en chantant ce que j’ai entendu à Chairok… Je vois les chapeaux de fourrure qui ponctuent le rythme familier des claquements des bottes en peau de yak…

Je suis arrachée à la danse par un tapotement sur le bras, je me retourne et je vois… Pasang, qui me sourit de tout son cœur en suçant une glace à l’eau ! Le petit cabri est là, seul, au milieu de la fête. Je décide de le garder avec moi, pour rejoindre Lopsang qui a prévu notre déjeuner avec Thinley (le grand-père du film « Himalaya, l’enfance d’un chef »).

Publié dans Culture

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